La sortie du film Ni chaînes ni maîtres est l’occasion de réfléchir aux possibilités qu’offre la cartographie pour mener un travail sur le marronnage en classe.
Dans le cadre de la session 2023-2024 du concours de la Flamme de l’égalité, des élèves ont réalisé un travail sur le marronnage sur l’île de Saint-Domingue (Haïti) à partir d’une ressource exceptionnelle, Les Affiches Américaines consultables sur le site marronnage.info.
L’ensemble de leur travail est consultable ici.
A partir des annonces publiées dans le journal pour l’année 1766, les élèves ont ainsi pu dresser le portrait des marrons de Saint-Domingue. Leur travail fut immense : il a fallu rassembler dans un tableau les informations de plus de 900 annonces !
Parmi les informations qu’il était possible de traiter, les indications géographiques ont permis la réalisation d’une série de cartes pour comprendre la mobilité des marrons à l’échelle de l’île toute entière.
Des cartes statistiques
La préparation d’un fichier de SIG, utilisé dans le logiciel en ligne Magrit, a permis aux élèves de dessiner des cartes statistiques devant servir de support à la réalisation d’une carte de synthèse. D’où partent les marrons ? Où vont-ils ? D’où sont originaire la majorité des marrons créoles ? Comment se répartissent les marrons à l’échelle de la colonie ? Ces questions de recherche posées par les élèves ont permis d’interroger la base de données sur des critères géographiques, quand la quantité de données disponibles le permettait. J’ai ensuite reproduit leurs cartes avec QGIS afin d’aboutir à une carte indiquant le relief.
L’usage de la cartographie sensible pour imaginer les parcours de Marrons
Aussi, à une échelle plus fine, certaines annonces nous ont permis de retrouver sur des plans de l’époque les lieux d’origine précis de certains esclaves marrons, ou de retracer leurs parcours potentiels, nous permettant de saisir les pratiques spatiales potentielles de certains esclaves. Retrouver, par la géographie, des parcours de marronnage, a permis aux élèves d’imaginer les stratégies spatiales des marrons, et d’en déduire quelques hypothèses. En effet, si nous savions souvent où les esclaves étaient capturés, puis emprisonnés, ou encore quelle était leur paroisse d’origine, nous ne disposions que de très peu d’informations sur les chemins empruntés et les spatialités de la plupart d’entre eux.
En nous inspirant des techniques de la cartographie sensible, il a ainsi été possible de dresser des cartes représentant les mobilités hypothétiques des esclaves marrons selon les lieux mentionnés dans les annonces. Ce dernier point a constitué une part intéressante et originale du travail, car il s’agissait de faire usage de son imagination, à partir des sources, pour combler “les blancs de la carte”.
Une carte de synthèse
Enfin, la réalisation de la carte de synthèse a aussi invité les élèves à réfléchir aux paysages de l’île au XVIIIème siècle : les forêts étaient encore nombreuses, les frontières étaient différentes, le cabotage entre ports était courant, de même qu’existaient des liaisons avec d’autres colonies de l’espace caribéen. Là encore, il nous a fallu imaginer et proposer des hypothèses pour tenter encore de retracer une partie de la vie des esclaves en fuite.
Evidemment, ce projet a mobilisé beaucoup d’heures de cours. Néanmoins, les perspectives offertes par l’étude de quelques annonces sont réelles pour adopter un angle original dans les mises en oeuvre didactiques au sujet de l’esclavage en classe.